Calibrer la balance du poids sur la santé : une nécessité

Il est amplement admis que l’obésité est associée à plusieurs conditions médicales chroniques, dont les maladies cardiovasculaires, la première cause de mortalité mondiale selon l’Organisation mondiale de la santé.

Capsule rédigée par Audrey Cloutier-Bergeron, candidate au doctorat en psychologie au CEPIA - Août 2019

Il est amplement admis que l’obésité est associée à plusieurs conditions médicales chroniques, dont les maladies cardiovasculaires, la première cause de mortalité mondiale selon l’Organisation mondiale de la santé. Dans la littérature scientifique, les chercheurs réfèrent souvent à l’obésité comme étant « pandémique », c’est-à-dire augmentant rapidement à l’échelle internationale. À ceci est fréquemment accompagné l’expression de « guerre contre l’obésité », que l’on peut observer non seulement au sein des professionnels de la santé, mais aussi dans la société en général. Un excès de poids peut en effet générer des inquiétudes accompagnées d’efforts excessifs pour perdre lesdits kilos en trop. Cette « guerre » se justifie-t-elle uniquement par la santé? L’histoire nous apprend que la question dépasse largement les aspects médicaux.

L’apparence et le poids sont sources de grandes préoccupations au sein de notre société, spécialement auprès des femmes, qui sont visées par les pressions socioculturelles à la minceur. Cet accent mis sur la minceur est relativement récent en comparaison avec les anciennes normes : les formes et la chair ayant été longtemps reconnues comme des atouts, la minceur n’est devenue un standard de beauté qu’il y a moins d’un siècle. Ces normes sont alimentées par les industries cosmétiques, pharmaceutiques, la mode et autres industries lucratives bénéficiant financièrement de la promotion d’idéaux de minceur inatteignables, et participent à générer des préoccupations en lien avec le corps. L’Enquête québécoise sur la santé de la population a révélé que 54% des québécoises ont tenté de maintenir leur poids ou d’en perdre en 2014-2015. De plus, 8% d’entre elles auraient eu souvent recours à au moins une méthode potentiellement dangereuse pour ce faire. Un autre sondage a révélé que la plus grande motivation des canadiennes à perdre du poids serait l’amélioration de leur estime de soi. Les individus obèses font également souvent l’objet de moqueries ou sont blâmées pour leur poids, en plus d’être victimes de stigmatisation. Ces données mettent en évidence que l’obésité « dérange » bien au-delà de ses implications sur la santé et, parallèlement, maigrir semble venir répondre à un besoin de diminuer la détresse psychologique associée à l’excès de poids. Compte tenu de cette obsession vis-à-vis le poids, il convient d’en recadrer son importance sur la santé.

Au-delà du chiffre sur la balance

Il a été démontré qu’une perte de poids d’aussi peu que 5-10% du poids initial comporte des bénéfices considérables pour la santé, suggérant que la relation entre les risques pour la santé et le poids ne sont pas aussi linéaires que prétendus. Il semble ainsi que malgré les maintes associations rapportées entre l’obésité et les maladies cardiovasculaires, le poids ne permet pas à lui seul de tout expliquer. Notamment, l’obésité abdominale – et non l’obésité en elle-même - semble jouer un rôle important. La perte de poids est souvent perçue essentielle à l’atteinte d’un état de santé. Pourtant, plusieurs études mettent en évidence l’amélioration de plusieurs indicateurs de santé avec le changement des habitudes de vie sans passer nécessairement par une perte de poids. D’autres évidences suggèrent même l’existence d’un sous-type de personnes obèses métaboliquement en santé, c’est-à-dire sans ou avec très peu de problèmes de santé, lequel représenterait 10-45% des personnes présentant de l’obésité. Il ressort ainsi de plusieurs études que le poids ne représente pas un facteur suffisant en soi pour conclure à un état de « mauvaise santé ».

Intervenir à la fois sur le poids et les préoccupations

Plusieurs interventions mettent l’accent sur la perte de poids. Or, l’initiation de ces programmes peut involontairement aggraver les préoccupations à l’égard du poids, entrainer des cycles de perte/reprise de poids et induire un sentiment d’échec si les objectifs fixés ne sont pas atteints. Une approche orientée vers le bien-être psychologique et l’adoption d’une alimentation intuitive, c’est-à-dire basée sur l’écoute des signaux de faim et de satiété, a ainsi été développée pour intervenir sans nuire. Ce type d’intervention, nommé « nouveau paradigme sur le poids » ou « Health-At-Every-Size ® », se pose en ardent défenseur de l’acceptation de tous les formats corporels. Cinq principes fondent cette approche : (1) la promotion de la santé peu importe le poids ; (2) l’acceptation et le respect de soi ; (3) le plaisir de manger sainement en respectant ses signaux de faim et de rassasiement ; (4) la promotion d’une vie active et (5) la fin de la stigmatisation associée au poids en reconnaissant la beauté et l’individualité de chaque corps. Récoltant de plus en plus d’appuis scientifiques, cette approche produirait des effets positifs sur la santé physique, le bien-être psychologique et les comportements alimentaires. Le CEPIA s’inspire de ce style d’intervention et, conforme à cette approche, vise la réconciliation avec le plaisir de manger et une amélioration de la satisfaction avec le corps. Les intervenants adoptant cette philosophie d’intervention ne se positionnent donc pas en « guerre » contre l’obésité : ils travaillent plutôt à adresser la double problématique des préoccupations excessives et de la santé. Autrement dit, il est proposé d’enfin laisser tomber les gants de boxe, et plutôt que de se battre avec son corps, de lui offrir ce dont il a le plus besoin : de compassion.

Sources:

Burgard, D. (2009). What is “Health at Every Size?” In The Fat Studies Reader (pp. 42–53).

Grabe, S., Ward, L. M., & Hyde, J. S. (2008). The role of the media in body image concerns among women: A meta-analysis of experimental and correlational studies. Psychological Bulletin, 134(3), 460–476.

Institut de la statistique du Québec. (2016). L’Enquête québécoise sur la santé de la population, 2014-2015 : pour en savoir plus sur la santé des Québécois. Résultats de la deuxième édition.

Kalergis, M., Leung Yinko, S., Savoie, N., Dagenais, F., & Simpson, S. (2011). Canadian women’s attitudes towards weight. Canadian Journal of Diabetes, 35(2), 206.

Mann, T., Tomiyama,  a. J., Westling, E., Lew, A.-M., Samuels, B., & Chatman, J. (2007). Medicare’s search for effective obesity treatments: Diets are not the answer. American Psychologist, 62(3), 220–233.

Organisation mondiale de la santé. (2018). Obésité et surpoids. Tiré de: www.who.int/mediacentre/factsheets/fs311/fr/

Tomiyama, A. J., Ahlstrom, B., & Mann, T. (2013). Long-term Effects of Dieting: Is Weight Loss Related to Health? Social and Personality Psychology Compass, 7(12), 861–877.

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