Les athlètes sont-ils plus à risque de présenter des troubles alimentaires ?

Lorsque l’on parle de sport, on souligne la plupart du temps ses bienfaits sur la santé, l’éner-gie et la concentration qu’il apporte.

Capsule rédigée par Amée Lapointe, étudiante au baccalauréat en psycholo-gie et athlète du Rouge et Or (soccer féminin)

Sous la supervision de Marilou Côté, Ph.D., psychologue au CEPIA

Lorsque l’on parle de sport, on souligne la plupart du temps ses bienfaits sur la santé, l’éner-gie et la concentration qu’il apporte. Son influence sur l’image corporelle et le développement de troubles alimentaires est cependant moins abor-dée, mais ce phénomène n’est pas pour le moins présent. Il est vrai qu’en pratiquant du sport de haut niveau, les athlètes ont l’occasion de ressentir un sentiment de contrôle sur leurs mouvements ce qui mène à une appréciation de leur capacité corpo-relle et favorise ainsi une vision plus positive de leur corps, ce qui peut atténuer les risques de dé-velopper un trouble alimentaire. Néanmoins, des études effectuées auprès d’athlètes de haut niveau démontrent que ceux-ci présentent une prévalence plus élevée de troubles alimentaires ainsi qu’un plus grand risque d’en développer que les non-athlètes. Les impacts des troubles alimentaires sur la santé de la personne atteinte pouvant être extrê-mement très néfastes, il s’avère primordial de par-ler davantage de cette réalité. En effet, pour les athlètes, les préoccupations excessives à l’égard du poids, de l’alimentation et de l’activité physique peuvent engendrer des restrictions alimentaires menant à un apport calorique insuffisant, combi-nées à une dépense énergétique trop importante. De graves répercussions psychologiques et phy-siologiques peuvent en découler. Plusieurs as-pects doivent cependant être pris en considération afin de mieux comprendre les liens existant entre la pratique de sport de haut niveau et le dévelop-pement de troubles alimentaires.

Qu’est-ce qui influence le développement d’un trouble alimentaire chez l’athlète ?

La pression que reçoivent les athlètes est un des premiers facteurs à prendre en considéra-tion. Comme la population générale, les sportifs su-bissent des pressions de la société en étant cons-tamment exposés à des idéaux corporels mis de l’avant par les médias et leur entourage. Ce qui les distingue des autres, c’est qu’en plus, ils subissent des pressions spécifiques aux exigences de leur sport, par exemple, au niveau de l’effort physique ou émotionnel requis lors des compétitions. Les en-traîneurs et les coéquipiers sont les principaux res-ponsables de cette pression additionnelle. En effet, des études ont montré que les commentaires des membres de l’équipe sur les performances ou sur l’image corporelle que doit projeter l’athlète, sont associés au développement de symptômes de troubles alimentaires. Ces différentes sources de pression auxquelles fait face un sportif de haut ni-veau quotidiennement l’amènent à vouloir présen-ter un corps sans défaut et correspondre aux sté-réotypes évoqués, ce qui le place à risque de dé-velopper, éventuellement, des troubles alimen-taires.

Le rôle des coéquipiers est bel et bien à considérer dans la compréhension des troubles ali-mentaires dans le sport. Par exemple, un athlète qui compare son corps à celui d’un de ses coéqui-piers qui performe davantage, en ayant des com-portements alimentaires malsains, pourrait être amené à imiter ces gestes et ainsi développer à son tour un trouble alimentaire. Il est cependant im-portant de mentionner qu’un facteur vient moduler la relation existante entre une influence négative des coéquipiers et le développement de comporte-ments alimentaires problématiques. En effet, il est nécessaire de tenir compte du bien-être de l’athlète. Les sportifs présentant un bien-être psy-chologique moins élevé, c’est-à-dire un haut ni-veau d’anxiété ainsi que des symptômes de dé-pression, sont plus à risque d’être affectés par l’in-fluence négative des pairs et ainsi développer une psychopathologie alimentaire. À l’inverse, ceux présentant une haute estime de soi et de moins hauts niveaux d’anxiété sont plus à même de résis-ternt aux influences négatives, ce qui ne mène pas nécessairement au développement de troubles ali-mentaires.

Il est également important de différencier deux catégories de sports qui influencent les athlètes de façon différente. Le premier groupe concerne tous les sports associés à un physique spécifique, comme la boxe qui classe les athlètes par leurs poids ou encore la gymnastique qui est très axée sur l’image corporelle projetée. La danse et le patinage artistique font également partie de ce groupe puisque l’apparence de l’athlète lors des performances influence les résultats aux compéti-tions. La deuxième catégorie comprend les autres sports où la puissance, la technique et la force pri-ment sur l’esthétique. On pense alors au rugby, au hockey, à la course, etc. Certaines études ont mon-tré qu’exercer un sport où le physique de l’athlète est jugé amène un risque plus important de déve-lopper des troubles alimentaires que pratiquer un sport moins axé sur l’esthétique. Cette tendance peut être expliquée par une pression d’être mince pour performer et une internalisation de l’idéal de minceur préconisé dans certaines disciplines spor-tives.

D’autres facteurs peuvent aussi influencer la prévalence des athlètes qui présentent des troubles alimentaires. Le moment de la saison sportive et les objectifs de compétition sont, entre autres, susceptibles d’influencer la présence de symptômes alimentaires. En effet, un athlète en pré-compétition ou en pleine compétition a ten-dance à présenter plus de comportements alimen-taires nocifs qu’un athlète en intersaison, ces com-portements étant considérés par celui-ci comme un moyen d’augmenter ses performances en compé-tition. De plus, les comportements alimentaires malsains sont moins susceptibles d’apparaître si le but de la pratique du sport est orienté davantage vers la maîtrise et la croissance personnelle plutôt que vers la performance, où un jugement positif des autres est très important. Le niveau de compé-tition peut également jouer un rôle dans le dévelop-pement de troubles alimentaires. Certaines études montrent que la participation à un sport au niveau élite plutôt que récréatif, ainsi qu’à l’échelle interna-tionale plutôt que nationale, entraîne un risque ac-cru de développer une pathologie alimentaire.

Prévention et intervention

Face aux risques que présentent les athlètes de développer un trouble alimentaire, des programmes d’intervention et de prévention ont été développés afin d’éviter cette situation. Les études montrent que, pour prévenir efficacement le déve-loppement de troubles alimentaires, il faudrait non seulement cibler l’athlète dans nos interventions, mais également tout le personnel qui l’encadre. La sensibilisation des entraîneurs et des parents de l’athlète est importante pour mieux les outiller à dé-tecter les comportements alimentaires malsains permettant ainsi de corriger plus rapidement la pro-blématique. Des relations de soutien de qualité entre les athlètes devraient également être favori-sées en plus d’encourager l’acceptation de son corps et l’appréciation de ses fonctions, et ce, peu importe le sport pratiqué. Finalement, en plus de porter sur la prévention des comportements ali-mentaires malsains, les interventions devraient ci-bler d’autres thèmes importants, tels que le bien-être psychologique, la nutrition et l’estime de soi qui jouent également un rôle dans le développement d’une psychopathologie alimentaire.

Sources :

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Scott, C. L., Plateau, C. R., & Haycraft, E. (2020). Teammate influences, psychological well‐be-ing, and athletes’ eating and exercise psycho-pathology: A moderated mediation analysis. In-ternational Journal of Eating Disorders.

Soulliard, Z. A., Kauffman, A. A., Fitterman-Harris, H. F., Perry, J. E., & Ross, M. J. (2019). Examin-ing positive body image, sport confidence, flow state, and subjective performance among stu-dent athletes and non-athletes. Body im-age, 28, 93-100.

Stoyel, H., Slee, A., Meyer, C., & Serpell, L. (2020). Systematic review of risk factors for eating psy-chopathology in athletes: A critique of an etio-logical model. European Eating Disorders Re-view.

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