La dépendance alimentaire : Qu'est-ce que ça mange en hiver?

La dépendance alimentaire est un concept relativement récent dans le domaine de l’obésité et des troubles de l’alimentation.

Capsule rédigée par Anne-Sophie Ouellette, Ph.D psychologue au CEPIA

La dépendance alimentaire est un concept relativement récent dans le domaine de l’obésité et des troubles de l’alimentation. Né en 2009, le concept découle d’une longue lignée d’études scientifiques qui ont permis d’établir qu’il existait des similarités entre la surconsommation de nourriture et la dépendance aux substances (comme l’alcool et les drogues)1. Par exemple, on a découvert que la consommation d’aliments riches en gras et en sucre stimulait les mêmes zones du cerveau, responsables de la sensation de récompense, que certaines drogues. On a également fait le parallèle entre les périodes d’abstinence, fréquemment suivies de rechutes, typiques de la consommation de substances et de la surconsommation alimentaire. En somme, ce sont ces similarités qui sont à la base du concept de la dépendance alimentaire et qui ont inspiré des chercheurs américains à s’y pencher davantage.

Bien que la dépendance alimentaire ne soit pas officiellement reconnue comme un trouble de santé mentale par l’Association américaine de psychiatrie2, sa définition a été calquée sur celle de la dépendance aux substances, avec la nourriture comme objet de dépendance. Ainsi, la dépendance alimentaire constitue un ensemble de douze comportements problématiques qui peut affecter le fonctionnement quotidien d’une personne et/ou qui peut engendrer une souffrance psychologique.

Un exemple de ces comportements problématiques est de consommer des aliments riches en gras et en sucre en plus grandes quantités que prévu et/ou pendant une période plus longue que prévu : Jean se dit qu’il ne mangera que quelques biscuits ce soir, mais il se retrouve à manger la boîte au complet.

Un autre exemple de ces comportements problématiques est de ressentir des envies pressantes et/ou intenses de consommer des aliments riches en gras et en sucre (communément appelé cravings) : Chloé ressent l’envie de manger un trio McDonald, au point où elle ne peut s’empêcher de sauter dans sa voiture pour se rendre à la succursale la plus près de chez elle.

Un autre exemple de ces comportements problématiques est la diminution ou l’abandon d’activités sociales, professionnelles ou de loisir en raison de la surconsommation de nourriture : Marie se fait inviter à un 5 à 7 entre collègue ce soir, mais elle choisit de retourner chez elle, sachant qu’une boîte de ses chocolats préférés l’y attend.

Enfin, un dernier exemple de ces comportements problématiques est de poursuivre la surconsommation de nourriture malgré la présence de problèmes physiques ou psychologiques qui y sont liés : Marc ne peut s’empêcher de manger un sac de croustilles à tous les soirs, même si son médecin lui a annoncé qu’il souffrait de cholestérol et de haute pression.

À ce jour, l’Échelle de dépendance alimentaire de Yale3 est le seul questionnaire qui permet d’identifier les individus qui souffrent de dépendance alimentaire. Les données recueillies à l’aide de ce questionnaire démontrent que la dépendance alimentaire peut se retrouver chez n’importe qui, mais le plus souvent chez des personnes qui présentent de l’obésité, chez des personnes qui présentent de l’hyperphagie boulimique, chez des personnes de plus de 35 ans et chez des femmes. Plus encore, ces données montrent que les personnes qui souffrent de dépendance alimentaire présentent des difficultés alimentaires et psychologiques plus sévères. Par exemple, elles rapportent plus de grignotage excessif ainsi que plus de préoccupations en lien avec leur poids, leur alimentation et leur silhouette. Elles présentent aussi davantage de symptômes de dépression et d’anxiété ainsi qu’une plus grande tendance à être impulsives et une plus grande difficulté à réguler les émotions4.

Les professionnels du domaine de l’obésité et des troubles de l’alimentation, tels que ceux du Centre d’expertise en poids, image et alimentation (CEPIA), considèrent maintenant la dépendance alimentaire comme un trouble répandu parmi les individus qui souffrent de difficultés pondérales et alimentaires. D’ailleurs, pour ces professionnels, la dépendance alimentaire se remarque davantage par une relation problématique et souffrante à la nourriture, indépendamment de la présence ou de l’absence d’un trouble de l’alimentation. En conclusion, le concept récent de la dépendance alimentaire permet de voir la relation de l’humain à la nourriture sous de nouvelles perspectives, ajoutant de la profondeur et de la complexité à cette relation vitale.

1. Davis, C., & Carter, J. C. (2009). Compulsive overeating as an addiction disorder. A review of theory and evidence. Appetite, 53(1), 1‐8.

2. American Psychiatric Association. (2013). Diagnostic and statistical manual of mental disorders (DSM‐5®). American Psychiatric Pub.

3. Gearhardt, A. N., Corbin, W. R., & Brownell, K. D. (2009). Preliminary validation of the Yale food addiction scale. Appetite, 52(2), 430‐436.

4. Pursey, K. M., Stanwell, P., Gearhardt, A. N., Collins, C. E., & Burrows, T. L. (2014). The prevalence of food addiction as assessed by the

Yale Food Addiction Scale: a systematic review. Nutrients, 6(10), 4552‐4590.

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